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mémoires d’un communard

Devant le danger qui le menaçait, le patron indiqua le numéro de la chambre et, quelques instants après, Raoul Rigault était appréhendé.

Dès qu’il se trouva hors de l’hôtel, l’officier lui demanda son nom ; le prisonnier se nomma et, ainsi qu’il convenait à son caractère gouailleur, il invectiva assez vertement le Versaillais galonné qui, hors de lui, fit mettre à mort le procureur de la Commune.

Moins de deux jours après avoir fait fusiller Chaudey, le citoyen Raoul Rigault tombait sous les balles de l’armée de l’ « Ordre », aux cris de : « Vive la Commune ! A bas les assassins ! »

Ce ne fut que le lendemain que le cadavre fut relevé et porté dans une des fosses creusées dans Le jardin du Luxembourg.

— Citoyen, me crie un garde national, noir de poudre, les effets en lambeaux, des individus, appartenant au parti de l’ordre, viennent de détourner de leur devoir les défenseurs de la place Gerson et, à ce moment même, on démolit la barricade qui la défend.

Avec ce citoyen et un ami nous nous précipitons vers l’endroit désigné, en contournant la bibliothèque Sainte-Geneviève et en prenant un étroit passage qui menait à la place Gerson[1].

En notre course à la file indienne, nous nous heurtâmes à deux prêtres, que notre vue terrorisa. Ils s’aplatirent contre la muraille pour nous livrer passage. Que faisaient-ils en ce boyau ? D’où venaient-ils et où allaient-ils ? Nous nous posâmes ces questions en courant, mais notre préoccupation grande ne nous permit pas d’éclaircir ce mystère, et nos compères se hâtèrent de disparaître, heureux d’en être quittes à si bon compte.

Au moment où nous débouchons place Gerson, des soldats occupent le collège Saint-Louis et ouvrent le feu sur les quelques hommes qui tiennent encore, malgré les objurgations quelque peu menaçantes de certains individus postés rue des Maçons-Sorbonne. Notre arrivée change l’aspect des choses : les agents de Versailles se sauvent et un feu très vif est dirigé sur le collège Saint-Louis.

  1. Ce passage a été supprimé, ainsi que la rue des Sept-Voies, par les nouvelles constructions du collège Sainte-Barbe, sises rue Valette.