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des barricades au bagne

Le cercle de fer et de feu se rétrécissait en même temps que diminuait, dans des proportions inquiétantes, l’effectif des fédérés demeurés fidèles à la Commune.

Des compagnies de débarquement, sous les ordres d’un capitaine de frégate, et le 114e de marche, sous les ordres du colonel Boulanger, occupent la Bourbe et le Val-de-Grâce. Les marins viennent se heurter à la barricade en contre-bas établie rue de Loureine et coupant le boulevard du Port-Royal. Les pertes éprouvées par eux sont énormes. Le 114e, plus prudent, laisse à sa droite cette barricade inabordable, et, conduit par des agents de la Congrégation, se glisse à travers les jardins des couvents aux issues secrètes et arrive ainsi à la poterne Ralaud (alias impasse des Vignes).

Tournant nos travaux de défense, nous menaçant de dos et de flanc, le régiment s’avance sans bruit, et va nous surprendre, nous égorger aussi facilement qu’il le fit des fédérés occupant la tranchée de la Grange-Ory. Encore quelques pas et il en était fait de nous qui, nous attendant à être attaqués de face, avions crénelé le collège Rollin, barricadé la rue Neuve-Sainte-Geneviève.

Déjà l’ennemi prend ses dispositions pour la tuerie, lorsqu’une jeune femme, fille du vieux cordonnier dont l’échoppe se trouve dans cet étroit passage, accourt vers moi et m’avertit du péril éminent qui nous menace :

— Citoyen Allemane, les Versaillais sont dans l’impasse !…

Nous nous précipitons vers la grille qui en ferme l’entrée ; des pavés sont amoncelés au pied et, en un clin d’œil, la résistance s’organise, cependant que quelques-uns des nôtres gagnent rapidement l’établissement des Pères du Saint-Esprit, grimpent sur les toits et dirigent un feu plongeant sur les Versaillais ; durant ce temps les soldats parvenus à la grille essuient une première décharge, pendant que, poussés par ceux des leurs que pressent à leur tour les derniers rangs, les premiers essaient de franchir la grille pour sortir de ce boyau mortel, où les a engagés le colonel de guet-apens qui les commande, et qui, au lieu de surprendre est, cette fois, surpris.

Puis, c’est la barricade de la rue du Pot-de-Fer-Saint-Marcel se mettant à son tour de la partie.