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mémoires d’un communard

Plus pâle, peut-être, que celui qui est à terre, notre camarade fédéré laisse tomber son arme et relève son frère, que l’émotion — et aussi un peu la honte — ont comme hébété ; puis les larmes les gagnent et c’est en pleurant qu’ils viennent me trouver.

Je prends sur moi de les faire se retirer du combat, et tous deux s’en vont consoler leur mère, doublement anxieuse.

Ce sont là les fruits amers que valent aux parents les machinations scélérates des ennemis du peuple, si puissamment aidés en leur œuvre infâme par une éducation menteuse qui, en nos luttes civiques, fait se ruer les uns contre les autres les enfants de la grande famille prolétarienne, quand ils ne sont pas, comme les deux combattants dont nous parlons plus haut, issus de la même mère.

Malgré cet appui, les défenseurs du Quatorzième sont refoulés sur le Cinquième et font peser sur leur chef de légion la responsabilité des leurs défaite. Ils le draînent à la mairie.

— Il faut le fusiller ! hurlent les plus furieux.

— Il n’a pas demandé de renforts ; c’est un traître ! crient les autres.

Piazza, entouré, malmené, en appelle à mon témoignage. On le pousse violemment jusque dans la mairie, où j’arrive à ce moment. Je m’inquiète, et Piazza m’aperçoit :

— Citoyen Allemane, s’écrie-t-il, on m’accuse de ne pas vous avoir demandé de renforts…

— C’est le contraire qui est vrai, citoyens ; Piazza m’a dépêché plusieurs cavaliers, et c’est ce qui explique l’envoi du 119e de marche. J’ai regretté de ne pouvoir faire davantage, et le citoyen Lisbonne s’est trouvé dans le même cas.

Sur la place, au lieu de courir au combat, les gardes nationaux du Quatorzième demandent, avec une fureur d’autant plus grande qu’on ne peut parvenir à leur faire connaître la vérité, qu’on leur livre leur chef de légion. Ne sachant comment sauver Piazza, je le fais enfermer dans le poste de la mairie, en recommandant à l’officier qui le commande, le sieur Laffargues, de le délivrer aussitôt que ces furieux seront dispersés. Mais Laffargues