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des barricades au bagne

Que devais-je en faire ? Je consultai du regard les citoyennes qui étaient là, je lus dans leurs yeux qu’elles avaient pitié de ces fanatiques, et j’ordonnai qu’on les laissât partir.

Elles s’en furent tête baissée, pendant que la foule qui remplissait la rue, mise au courant de l’incident, les accompagnait en les traitant de voleuses !

Ce fut là toute notre vengeance. Il en est peut-être qui nous traiteront de dupes ? Je m’obstine à penser que nous eûmes raison d’en agir ainsi à l’égard de femmes en partie irresponsables.

Si la Commune avait à reprendre son bien et à organiser par elle-même son service de solidarité sociale partout où la Ville en avait confié le soin aux congréganistes, il allait de soi que le peu qu’elle s’était réservé, c’est-à-dire les bureaux, les secours installés dans les mairies, fonctionnât irréprochablement.

Or, au cinquième, ledit bureau était demeuré aux mains des créatures de l’ex-gouvernement de la défense nationale, peut-être même de l’Empire, et, sans vergogne, ces messieurs se moquaient des ordres qu’ils recevaient, mésusaient de la confiance qui leur était accordée. De nombreuses mères de famille vinrent se plaindre de la morgue avec laquelle on les recevait, pendant que de fringantes personnes étaient accueillies avec une galante déférence et abondamment pourvues de « bons » de toute espèce.

Je m’assurai de la véracité de ces dires et, comme il nous était imposé d’être expéditifs, je pris quelques gardes nationaux au poste de la mairie, puis, sans barguigner, je priai les quatorze employés du bureau de secours de cesser leurs occupations et de se rendre, avec moi, à la prison dite de Pélagie.

D’aucuns se récrieront, parleront d’arbitraire, de tyrannie ! Je conviens volontiers que de tels procédés auraient ce caractère s’ils étaient mis en œuvre en un temps normal, mais en un tel moment, quand les compagnons d’existence des femmes, brutalement éconduites par ces ronds-de-cuir, risquaient leur vie pour le triomphe des idées de justice, avais-je à hésiter ?

D’autre part, est-ce que l’attitude de ces mauvais citoyens n’indiquait pas leurs visées réactionnaires, l’in-