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mémoires d’un communard

— Vous venez, sans nul doute, nous chasser de notre demeure ?

— Pardon, Madame ; je me permettrai de vous faire observer que vous êtes dans une maison appartenant à la Ville de Paris, et que le matériel, la literie, le linge, etc., sont également sa propriété. Cela étant, nous ne faisons que reprendre notre bien.

— Je n’ai pas à discuter, d’autant que vous êtes, aujourd’hui, les plus forts. Je vais vous envoyer la sœur économe.

Rien ne saurait rendre l’accent avec lequel cette douce personne prononça le mot aujourd’hui. Toute sa haine cléricale s’y était concentrée.

Je fis quelques pas dans la cour, bordée à gauche par la haute muraille de l’église, et m’aperçus qu’une petite porte y donnait accès. Je vis de suite que cette issue rendait illusoires mes précautions, et, tout en craignant qu’il fût déjà trop tard, je plaçai un factionnaire devant cette porte.

À ce moment même arrivait une sœur, fluette, toute blanche, les yeux baissés. Parvenue devant moi, elle leva légèrement la tête et me dit :

— Je suis, Monsieur, chargée par notre révérende mère de vous montrer ce qui appartient à la Ville.

Ceci dit, elle se dirigea vers le bâtiment principal, qui se trouvait au fond de la cour, à droite. Je compris que c’était la partie de l’établissement où travaillaient et habitaient les jeunes filles. Cela se composait de l’ouvroir, ou atelier, d’une lingerie, d’un réfectoire et d’un dortoir.

A l’entrée, nous trouvâmes une trentaine de jeunes personnes et quelques sœurs ; elles me parurent quelque peu inquiètes, presque apeurées.

Je saluai et suivis la sœur économe, qui, déjà, gravissait les premières marches d’un escalier conduisant au dortoir, situé au premier étage. Au tournant de l’escalier je jetai un rapide regard sur la cour et je vis que les jeunes filles et les sœurs se dirigeaient hâtivement vers la sortie. Quoique soupçonnant une manœuvre délictueuse, je n’en fis rien paraître et continuai à gravir l’étage.

Parvenus au premier, la sœur économe m’indiqua