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MALHERBE
Sans faire cette injure à mon affection
D'appeler sa douleur au secours de la mienne,
Et chercher mon repos en son affliction ?


Non, non, qu'elle s'en aille à son contentement,
Ou dure ou pitoyable, il n'importe comment ;
Je n'ai point d'autre vœu que ce qu'elle souhaite ;
Et quand de mes souhaits je n'aurais jamais rien,
Le sort en est jeté, l'entreprise en est faite.
Je ne saurais brûler d'autre feu que du sien.


Je ne ressemble point à ces faibles esprits
Qui, bientôt délivrés comme ils sont bientôt pris.
En leur fidélité n'ont rien que du langage ;
Toute sorte d'objets les touche également ;
Quant à moi, je dispute avant que je m'engage.
Mais quand je l'ai promis, j'aime éternellement.


PLAINTE SUR UNE ABSENCE


STANCES

Complices de ma servitude,
Pensers où mon inquiétude
Trouve son repos désiré.
Mes fidèles amis, et mes vrais secrétaires.
Ne m'abandonnez point en ces lieux solitaires ;
C'est pour l'amour de vous que j'y suis retiré.


Partout ailleurs je suis en crainte ;
Ma langue demeure contrainte ;
Si je parle c'est à regret ;
Je pèse mes discours, je me trouble et m'étonne ;
Tant j'ai peu d'assurance en la foi de personne ;
Mais à vous je suis libre, et n'ai rien de secret.


Vous lisez bien en mon visage
Ce que je souffre en ce voyage.: