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Esclave leur repos sous une tyrannie,
Et meurent à leur bien pour vivre au repentir.

Entre mille glaçons je sais peindre une flamme.
Entre mille plaisirs je fais le soucieux ;
J’en porte une à la bouche, une autre dedans l’âme.
Et tiendrais à péché, si la plus belle dame
Me retenait le cœur plus longtemps que les yeux.

Doncques, fille de l’air, de cent plumes couverte.
Qui, de serf que j’étais, m’a mis en liberté,
Je te fais un présent des restes de ma perte.
De mon amour changé, de sa flamme déserte.
Et du folâtre objet qui m’avait arrêté.

Je te fais un présent d’un tableau fantastique.
Où l’amour et le jeu par la main se tiendront,
L’oubliance, l’espoir, le désir frénétique.
Les serments parjurés, l’ardeur mélancolique.
Les femmes et les vents ensemble s’y verront.

Les sables de la mer, les orages, les nues,
Les feux qui font en l’air les tonnantes chaleurs.
Les flammes des éclairs plus tôt mortes que vues.
Les peintures du ciel à nos yeux inconnues,
À ce divin tableau serviront de couleurs.

Pour un temple sacré je te donne ma belle.
Je te donne son cœur pour en faire un autel.
Pour faire ton séjour tu prendras sa cervelle.
Et moi, je te serai comme un prêtre fidèle
Qui passera ses jours en un change immortel.