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Bref qu’amour surmontant mes respects et mes craintes
Faisant mourir mon cœur fait vivre mes complaintes.





STANCES À L’INCONSTANCE


Esprit des beaux esprits, vagabonde inconstance,
Qu’Éole, roi des vents, avec l’onde conçut.
Pour être de ce monde une seconde essence,
Reçois ces vers sacrés à ta seule puissance.
Aussi bien que mon âme autrefois te reçut.

Déesse qui partout et nulle part demeure,
Qui préside à nos jours et nous porte au tombeau.
Qui fais que le désir d’un instant naisse et meure.
Et qui fait que les cieux se tournent à toute heure
Encor qu’il ne soit rien ni si grand ni si beau.

Si la terre pesante en sa base est contrainte,
C’est par le mouvement des atomes divers.
Sur le dos de Neptun ta puissance est dépeinte,
Et les saisons font voir que ta majesté sainte
Est l’âme qui soutient le corps de l’univers.

Notre esprit n’est que vent, et, comme un vent volage.
Ce qu’il nomme constance est un branle rétif :
Ce qu’il pense aujourd’hui demain n’est qu’un ombrage.
Le passé n’est plus rien, le futur un nuage,
Et ce qu’il tient présent il le sent fugitif.

Je peindrais volontiers mes légères pensées,
Mais déjà, le pensant, mon penser est changé.
Ce que je tiens m’échappe, et les choses passées,
Toujours par le présent se tiennent effacées,
Tant à ce changement mon esprit est rangé.

Aussi depuis qu’à moi ta grandeur est unie
Des plus cruels dédains j’ai su me garantir ;
J’ai gaussé les esprits dont la folle manie