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Qui me console excite ma colère.
Et le repos est un bien que je crains.
Mon deuil me plaît et me doit toujours plaire :
Il me tient lieu de celle que je plains.

On ne saurait éloigner de mon âme
Le souvenir d’un si triste malheur
Je ne crois pas que le sage m’en blâme.
S’il a connu l’objet de ma douleur.

Ô ciel, auteur de ma noire aventure,
Mon cœur soumis ne t’a pas offensé ;
Et cependant l’ordre de la nature
Est, pour me nuire, aujourd’hui renversé.

Hâte ma fin que ta rigueur diffère ;
Je hais le monde et n’y prétends plus rien.
Sur mon tombeau ma fille devrait faire
Ce que je fais maintenant sur le sien.

Ainsi, Daphnis, qui par son grand mérite
Porte si haut le nom de sa maison.
Cède aux ennuis dont sa perte l’agite.
Et leur permet de troubler sa raison.


II

LA BELLE VIEILLE

Cloris, que dans mon temps j’ai si longtemps servie
Et que ma passion montre à tout l’univers,
Ne veux-tu pas changer le destin de ma vie
Et donner de beaux jours à mes derniers hivers ?

N’oppose plus ton deuil au bonheur où j’aspire.
Ton visage est-il fait pour demeurer voilé ?
Sors de ta nuit funèbre, et permets que j’admire
Les divines clartés des yeux qui m’ont brûlé.

Où s’enfuit ta prudence acquise et naturelle ?
Qu’est-ce que ton esprit a fait de sa vigueur ?