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L’ÂME DES MAINS

êtres bercés de leurs rêves la laissent couler dans une indifférente inconscience.

Et cependant minuit est tout un mystère, surtout lorsque du haut d’une vieille cathédrale dont les clochers et les flèches se perdent dans les nuages et les vieilles légendes, l’horloge invisible, comme du haut du ciel, laisse pesamment tomber sur la terre douze coups graves et impassibles, douze coups fatidiques qui tranchent dans le silence des ténèbres et qui font presque peur par leurs voix impitoyablement de bronze. Ils expliquent dans leur langage ésotérique l’instant suprême d’une fin et d’un commencement, la transfusion d’une journée dans l’autre, la métamorphose invisible d’un vieux jour qui meurt et d’un jour nouveau qui se lève. C’est la course du flambeau, le dernier est le premier, et le vieillard qui meurt créant de ses cendres l’enfant de sa chair, lui lègue comme héritage la torche de l’instant présent. Et tout ceci se passe dans le plus profond silence, alors que profondément dorment les mortels, car la masse profane n’est point admise aux révélations de la vie. C’est lorsqu’elle est dominée par le sommeil que se célèbrent les graves mystères de l’Univers. Minuit, c’est le mystère de l’Éternité. Rien ne meurt. Tout est transition, mutation. La mort est un mensonge funeste caché sous les formes les plus illusoires de la désagrégation et de la création. Tandis que passent les jours, les nuits, les mois, les années, les existences entières, l’esprit et la matière permanent et se transforment à