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L’ÂME DES MAINS

— Écoutez-moi, Walther. Pourquoi voulez-vous rompre le charme de nos rapports ? Tout l’attrait que nous trouvons à la bonne amitié disparaîtrait du jour où je vous épouserais. C’est si difficile à définir… Enfin il surgirait mille riens qui tous ensemble se dresseraient comme une barrière infranchissable. Vous devriez comprendre. Épousez donc une femme cultivée, moins frivole… par exemple Milly ou Hulda. Vous êtes fait pour le mariage.

Le Chevalier eut un moment d’impatience.

— Ne m’interrompez pas, Walther. Vous êtes un grand travailleur, un savant, un docteur. Vous vous occupez de philosophie, de chimie, de théologie, voire de theurgie,… et de bien d’autres sciences secrètes que j’ignore et tiens à ignorer. D’autre part, je suis une mondaine dans toute l’acception et toute l’horreur du mot, une mondaine qui aime à recevoir et à rire ; je ne suis qu’une dilettante, j’aime seulement la musique… et vous ne savez même pas plaquer l’accord d’ut sur l’épinette. Quel ménage ferions-nous ? C’est comme si on mariait le Deutéronome à la poudre de riz. Et qu’avons-nous de commun, si ce n’est de la camaraderie grande comme un bouquet de roses ?

— Il y a plus que ça, Madame.

— Oh ! vous faites des chimères. Vous croyez à l’amour ? Allons, un philosophe comme vous ?… Peut-être vous épouserai-je à une condition. Il faut qu’en trois jours vous ayez le talent de l’italien Ceretti. Un jour de plus et ce sera trop tard. Acceptez-vous le marché ?