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L’ÂME DES MAINS

à-dire aimant la bonne table, le tabac et la chasse. Les deux autres présentaient un peu plus d’intérêt.

L’un d’eux était le Chevalier Walther van Bau. Personne au juste n’avait su sonder cet être d’abords lunatiques et d’aspect énigmatique. Le quatrième était le célèbre virtuose Benedetto Ceretti venu tout droit de Rome pour propager son talent de claveciniste, son talent incontestable et incontesté.

Il venait de jouer d’un trait à la Baronne Minnengenuss et à ses amis, les œuvres de Scarlati.

Et comme toutes les bonnes choses jetées à profusion, sans égards et sans mesures, elles avaient rempli l’auditoire de saturation musicale. Mais tout de même, ç’avait été prodigieux et étincelant à la fois de fougue et de folie.

À six heures, les invités se levèrent comme mus par un ressort parce que la Princesse douairière s’était levée.

Il y eut des révérences et des petits baisers et des soies chatoyantes qui disparurent derrière de hautes tentures écartées par deux laquais gigantesques aussi marmoréens que deux Cariatides.

La Baronne Minnengenuss s’approcha du virtuose italien :

— Vous partez déjà, Monsieur Ceretti ?

Benedetto n’avait pas du tout envie de s’en aller. Ce n’était nullement là son intention. Mais le mouvement de la Baronne le déconcerta. Un rien le désarçonnait. Il bafouilla, baragouina quelques mots inintelligibles :