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L’ÉLÉGANTE VENGEANCE

L’Abbé Sarabande sortit une petite houpette qu’il portait dans un réticule, se mira dans un petit miroir et passa sur son nez un peu de poudre de riz.

— Oh ! Je ne m’étais pas aperçu que mon nez était rouge, Sacré Chianti ! Les vins de notre chère Bourgogne ont de plus belles manières.

Puis la conversation tomba pour la vingtième fois.

— Enfin, mon cher Mattacchione, peut-on savoir ce que vous avez fait durant ce voyage ? Si vous saviez comme j’ai imploré Sainte-Madeleine à votre égard… Elle comprend mieux que d’autres, puisqu’elle a aussi péché… J’ai senti, dans mes litanies, qu’elle répondait tout bas : « Soyez sans crainte, Monsieur l’Abbé, vos prières sont exaucées. » Alors, dites, avez-vous vengé votre aïeul ?

Et l’Abbé Sarabande laissa suinter toute sa curiosité de prélat. Mattacchione poussa un soupir ; il comprenait que son désir était irréalisable.

— Répondez, fit encore son précepteur, en appuyant ses deux coudes sur la table encore fumante de victuailles.

Mattacchione, sans rien dire, ouvrit son petit carnet en maroquin rouge. L’Abbé Sarabande s’approcha, frétillant d’intérêt. Tous les noms inscrits étaient, sans exception, biffés.

— Ah ! bravo, s’exclama le précepteur, et il serra convulsivement son pupille dans ses bras. Je vous reconnais bien là encore… Mes efforts pour faire de vous un preux ne furent pas vains.