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L’ÉLÉGANTE VENGEANCE

de pivoines retenue à son corsage, caressait ses genoux, pour, ensuite, gracieusement glisser à terre. À ses pieds, s’épanouissaient d’autres fleurs encore ainsi qu’un long voile gris qui simulait un nuage.

Tiepolo interrompit son travail.

— Merci ! Pour cette séance cela suffira. Que Votre Seigneurie regarde ! Elle représente les vertus de Venise ; des séraphins groupés autour d’elle distribueront au peuple des écus d’or, des étoffes et des perles, pour symboliser le commerce de la capitale ; d’autres joueront coquettement avec de belles dentelles, tandis que d’autres encore verseront des vins qui rappelleront les crus du Véronais, dans des coupes multiformes et opalines de Murano.

Une porte s’ouvrit. Le Comte Lisiade de Venador entra suivi du Comte Mattacchione de Truffi.

— Belle bellissime, fit-il, en s’inclinant devant la claire beauté qui incarnait toute la grâce et la splendeur un peu mélancolique de Venise, voici notre ami de Florence qui nous revient.

Mattacchione mit un genou en terre, une main sur son cœur et baisa les doigts de la belle Vénitienne, mais son œil, en tapinois, grimpa le long du corsage tout ouvert, s’arrêta un instant sur les lèvres et aboutit ensuite dans les yeux de la belle bellissime ; elle s’en aperçut, rougit et se leva vivement ; la gitane lui jeta aussitôt sur les épaules une mante en drap noir et disparut avec elle, tandis que le singe et le nain suivaient en sautant à la corde avec la guirlande de pivoines.