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L’ÉLÉGANTE VENGEANCE

sans remarquer le ravissant paysage des gondoles qui égayaient le grand canal.

— Goldoni, vous devez me rendre un service… Connaissez-vous le Comte Lisiade de Venador ?

— Si je le connais ? Tenez, venez ce soir avec moi, au théâtre ; c’est la première de mes Rusteghi. Vous ne comprendrez rien à cette pièce écrite en langue vénitienne, mais cela n’a aucune importance. Au premier entr’acte, j’irai saluer sa femme, la belle, la bellissime Asolane, la digne épouse du Comte de Venador. Je vous présenterai à la Comtesse ; vous rencontrerez son mari également.

— Tope-la ! fit le très noble seigneur.

Et tous deux disparurent dans la foule.

Minuit semblait midi. Les lanternes vénitiennes formaient mille folles arabesques tout le long des palais jaillis du fond des ondes, et les feux d’artifices s’élançaient dans le firmament pour baiser les yeux des étoiles. De toutes parts, les serpentins et les confetti sillonnaient de balcon en gondole, de gondole en balcon. Les masques, hystérisés par la fête, sautaient sur les ponts comme des énergumènes, en poussant des cris dyonisiaques qu’accompagnaient des gestes bizarres et équivoques. Les sérénades d’amour voguaient sur les canaux.

Une gondole, un peu pour fuir la gaîté excessive et