Page:Allatini - Sur talons rouges, contes, 1929.djvu/56

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
36
SUR TALONS ROUGES

nétie. Dès cette nuit, je pars ! J’irai porter le nouveau message du grand croisé au delà de l’Apennin.

L’Abbé Sarabande prit son verre à la main et parla avec emphase :

— Je bénis le descendant de Truffi, comte Geminianesi, duc de Faenza, de l’Ardenza et de l’Antignano. Je bénis Matthias dit Mattacchione, le premier gentilhomme de Florence. Il voue sa vie à l’éclat de la noblesse, au passé de ses aïeux. Il lave les affronts et les offenses, et son propre nom est pour lui la pensée la plus chère. Allez, jeune preux ! Vous êtes un noble cœur. Dès ce soir, je prierai le Seigneur pour qu’il vous soit pardonné le dernier péché que votre mission sur cette terre vous oblige à commettre. Ayez confiance ! Vous serez absout. À la louange du Seigneur ! Ainsi soit-il ! Amen !

Les musiciens attaquèrent un air gai.

La cire des chandelles coulait abondamment sur les bobèches.

— Une sarabande ! Holà ! musicanti, une sarabande !

Et l’Abbé Sarabande tendit la main à une Marquise invisible. Il dansa si bellement qu’on ne saurait rencontrer pareille grâce qu’à la cour de Versailles du Bien-Aimé Louis.

La nuit était silencieuse. La plaine mélancoliquement aride vers l’Orient, semblait mourir de langueur, et, parce qu’elle se mourait dans une sorte de désagré-