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L’ÉLÉGANTE VENGEANCE

suis jeté sur lui et l’ai mordu de mes dents, oui, de mes trente-six dents que vous voyez rire aux éclats, je l’ai mordu à la gorge jusqu’à la mort ; ma mâchoire lâcha prise lorsqu’il était exsangue, et il s’affaissa sur le sol. L’Arno emporta son cadavre.

L’Abbé Sarabande tout ému, se signa, balbutiant :

Requiescat in pace !

— Puis, continua Mattacchione, en 1436, Lamberto Lambertini, comte de Céfalù, trompa Filiberto de Faenza dans un traité de mauvaise foi ; Filiberto fut ruiné. Je suis parti pour la Sicile. Salvator dit Turrido Lambertini, le rejeton de cette infâme lignée, fut floué par moi, moi, l’homme le plus honnête de Florence. J’achetai la maffia, et, entouré de fidèles complices, brigands et grands seigneurs, je l’ai ruiné jusqu’au dernier sol : tout cela pour venger mon aïeul. Son nom est biffé. Vous voyez, ici, encore d’autres vengeances qui ont lavé bien des taches et des opprobres. Mais il reste encore une action à accomplir, une seule pour que le lignage de mes ancêtres resplendisse comme le soleil. Une seule ! Il y a encore une honte et, tant qu’elle ne disparaîtra pas de ce monde, mon front rougissant m’empêchera de porter la tête haute.

Et sa voix devint sourde et mauvaise.

— Au temps de la première croisade, Fiore Venador convoita la femme d’Aldo Albori, duc de l’Ardenza et de l’Antignano. Et cette femme infidèle souilla le foyer et les armoiries de son seigneur. Il existe encore un Venador ; il vit dans les terres de la Vé-