Page:Allatini - Sur talons rouges, contes, 1929.djvu/32

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
14
SUR TALONS ROUGES

cha sur la gouttière ? Il ne vit plus qu’une ombrelle ouverte.

Bientôt la nuit tomba, et la lune se leva. L’humidité du soir pénétra ses os et le fit frissonner. Pour tromper ses frissons, il se gratta à outrance et furieusement attrapa toutes ses puces, mais cela ne dura qu’un moment. Le travail était terminé et il fallait s’occuper pour ne pas geler. Il regretta un instant ses dentelles, ses brocarts, son gilet, ses culottes, ses bas en soie de Chine et son habit en velours de Gênes. Il rêva avec nostalgie à son berceau de fanfreluches vaporeuses avec son matelas ouaté, ses couvertures roses et ses draps de batiste. Ah ! qu’avait-il donc fait ? Pour un caprice, il avait abandonné tout son bien-être, toute sa vie remplie de luxe grisant ! Et la Vicomtesse ? Il n’évoqua d’elle que son décolleté blanc et ses épaules potelées. Puis ses yeux eurent un éclair !

— Après tout, quel assouvissement avait-il trouvé dans tout ce faste ?

Il cabriola sur le parapet d’un hôtel.

— Vive la liberté !

Pour lui liberté voulait dire aussi amour. Et il bondit de toit en toit à la conquête de cet amour.

La ville s’endormait. Une brume d’abord légère, puis plus dense, montait des rues et des boulevards. Les rumeurs du jour une à une semblaient s’étouffer dans le voile opaque qui enveloppait en guirlandes les quartiers les uns après les autres. Les persiennes une à