Page:Allatini - Sur talons rouges, contes, 1929.djvu/28

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
12
SUR TALONS ROUGES

rompirent le lacet du corsage et jaillirent comme des fruits merveilleux et enchantés.

Vespasien tendit une main, une petite main brune et nerveuse qui s’ouvrait, se refermait et s’ouvrait encore. Que sa maîtresse lui parut belle, dans cet état d’exaspération torturante, avec tout son être tendu vers lui ! Il crut un instant fléchir pour goûter de plus près ce spectacle ravissant. Mais une étincelle d’intelligence traversa son cerveau :

« Elle me plaît comme ça, mais si je reviens, elle se calmera… et alors, elle ne sera plus comme à présent… »

Il était toujours suspendu à l’arbre, par sa longue queue brune. Il pirouetta, la Vicomtesse poussa un cri de terreur, et plus loin, Vespasien se balançait toujours par la queue, à une autre branche. Il pirouetta encore et s’éloigna ainsi en bonds souples et élégants, sans se servir de ses mains antérieures et postérieures.

La voix de la Vicomtesse s’entendait à peine :

— Reviens, mon Vespasien, reviens ! Ne vois-tu pas que tu es tout nu ? Tu prendras froid, tu n’as rien pour te couvrir… et puis les gardes du Roy t’arrêteront pour attentat contre les mœurs publiques… Reviens, mon Vespasien !

Mais Vespasien trouvait le monde merveilleusement vaste et se promettait un long voyage d’exploration !

Il eut une espèce de vertige d’espace. Il bondit sans regarder, d’arbre en arbre. Ah ! qu’il faisait bon se dégourdir les membres ! Le jardin n’était pas grand et il