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LES FANTAISIES DE VESPASIEN

Les servantes obéirent et accoururent sans entrain.

Leur maîtresse poussa un profond soupir.

— Que faire ?… Sa tristesse me tuera.

Vespasien griffa Dorine et mordit Martine. Elles poussèrent des cris perçants et essuyèrent leurs larmes avec leur petit tablier de dentelles.

La Vicomtesse alors, sans hésiter, tendit son bras vers le berceau. Vespasien s’y accrocha de ses quatre membres en roulant des yeux qui firent baisser ceux de sa maîtresse.

Elle le caressa de l’autre main et le coula dans son lit.

Il s’assit à côté d’elle avec un petit air de supériorité satisfaite et battit des mains.

— Vous voyez, gredines, qu’il meurt de faim. Vite le déjeuner. Allons, ne chiffonnez pas vos tabliers de la sorte et allez nous chercher de quoi nous remettre après une nuit de jeûne.

Elles sortirent et revinrent apportant le chocolat de la Vicomtesse et les noisettes de Vespasien.

La Vicomtesse but son chocolat comme boivent les vicomtesses à huis clos, c’est-à-dire sans minauderies, sans coquetterie, toute à son affaire de gourmandise.

Vespasien croqua les noisettes et jeta les coquilles entre les seins des servantes. Elles avaient ordre de se tenir droites au pied du lit et de ne pas broncher.

La Vicomtesse riait aux éclats.

— Bravo, Vespasien. Bien au milieu, plus fort ! Bravo, mon petit franc-tireur, mon petit mousquetaire énamouré.