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SUR TALONS ROUGES

— Madame la Vicomtesse a-t-elle bien reposé ?

— Madame la Vicomtesse veut-elle un peu de jour ?

— Madame la Vicomtesse s’est-elle plue hier au bal ?

— Madame la Vicomtesse fut-elle vivement admirée ?

Mme la Vicomtesse faisait de grands signes de silence.

— Chut ! Ne le réveillez pas, gredines… Faites donc moins de bruit… Oui ! Ouvrez tout doucement les persiennes.

Les servantes obéirent.

Toutes les persiennes volèrent en même temps.

Un soleil troublant envahit la chambre. C’était de la lumière, de la beauté, de la chaleur… et peut-être encore mille petites choses enchevêtrées, entrelacées, difficiles à démêler et à comprendre. Mais ce soleil semblait philtrer un délicieux venin.

— Oh ! laissez les fenêtres ouvertes. Il fait si doux !

La Vicomtesse s’appuya sur un coude et de son lit, se pencha vers le berceau de fanfreluches vaporeuses.

Vespasien avait les yeux grands ouverts. Il fixait le soleil et se démenait avec frénésie sous ses couvertures roses et ses draps de batiste. La Vicomtesse de sa poitrine haletante poussa d’alarmantes lamentations.

— Oh ! mon chéri, Calme-toi, Calme-toi. Je t’en supplie… Arrête-le dans ses transes, Dorine, et toi, Martine, donne-lui une amande douce… Il sera encore aujourd’hui dans son état de prostration habituelle…