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LE SALUT DU MAL

tabilité divine. Il médita aussi deux heures. Quelqu’un frappa à sa porte et l’interrompit dans ses dévotions.

Une voix appela.

— Père Diego, une femme désire vous parler. Elle vous attend dans le parloir.

Le moine ne répondit pas, fit le signe de la croix pour être à l’abri de toute tentation, et sortit tranquillement.

Une gitane écrasée de fatigue, affalée sur les dalles froides du parloir dormait. Ses vêtements étaient déchirés et couverts de poussière. Sur une jupe boursouflée de volants en soie orange s’enroulait jusqu’aux aisselles un châle noir à ramages criards, un châle effiloché à longues franges. Sa tenue, quoique négligée et abandonnée, décelait cependant une coquetterie concentrée sur un seul point de sa toilette. Les boucles de ses cheveux d’ébène flottants sur ses tempes étaient bien aplaties et cosmétiquées en savants accroche-cœurs collés sur ses joues blafardes.

Diego se baissa longuement pour voir qui était cette femme. Il la reconnut.

— Juana !

Du revers de sa main noueuse, il l’assomma d’une gifle retentissante. Elle se réveilla.

— Excusez-moi, Père, ma fatigue est extrême !… Je suis venue jusqu’à vous… Je suis rompue… et le sommeil m’accable dès que je me tiens un instant immobile… Pitié… je souffre… je souffre par le corps… je souffre par le cœur… Je suis exténuée…