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SUR TALONS ROUGES

Elle cria dans le patio :

— Rosario ! Rosario !

La duègne dégringola les escaliers, haletante d’émoi.

— Écoutez, Rosario ! Ne me demandez rien.

— Dieu m’en garde, interrompit Doña Rosario avec des palpitations qui soulevaient son envahissante poitrine.

— De Madrid à Alcalã dans une calèche avec deux bons chevaux et un relai, on peut y arriver encore cette nuit. Dépêchez-vous, partez sur l’heure. Attendez-moi à l’auberge de la Santa Trinidad. Je vous y rejoindrai dès demain, à l’aube.

— Oui, oui, sang d’or !

Doña Rosario, toute tremblante de terreur, remonta au galop dans sa chambre. Et tout en recommandant son âme à Dieu, elle empila, affolée, essoufflée, dans une valise des châles et des mantilles pour ses préparatifs de voyage.

Doña Juana courut à l’écurie. Elle appela un écuyer.

— Vite, ma hacquenée isabelle.

Avant de monter en selle, elle lui arracha son sombrero et son tapabocas, et partit au galop.

Doña Rosario ronflait paisiblement dans une chambre de l’auberge de la Santa Trinidad.

Elle se réveilla en sursaut, secouée par une forme qui ressemblait bien à un brigand de la Sierra.