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SUR TALONS ROUGES

Le Marquis trouva que ce Saint-Sacrement venait fort mal à propos et qu’il n’était guère d’humeur aux dévotions. Gêné et honteux de son accoutrement désordonné, il ajusta sa mise en agrafant quelques agrafes dégrafées, en boutonnant quelques boutons déboutonnés ; et tout craintif, quoique bien contrarié, il sortit de son gousset un chapelet de turquoises, joignit les mains et balbutia du latin. Il avait chaud. Sa transpiration empâtait la poudre qui enfarinait si blanchement son front et ses tempes. Ses yeux allaient des seins de Juana à la Madone devant laquelle Juana priait. Oh ! la belle Madone ! Elle allaitait l’Enfant Jésus ! Les beaux seins ! Mais ceux de Juana étaient en chair vivante et palpitante.

Le son de la cloche se perdit dans l’infini.

Il bondit sur elle, et l’encercla brutalement, la surprenant dans sa prière. Elle se releva avec une souplesse féline et se dégagea de l’étreinte. Elle ne pouvait s’empêcher de le regarder et d’en éprouver un insurmontable dégoût.

— Laissez-moi, cria-t-elle rageuse, laissez-moi !

Don Perez s’arrêta pétrifié.

Elle semblait réfléchir. Peu à peu, son expression de mauvaise, devint songeuse, puis douce, câline.

Elle pensait… Sa nourrice, d’origine maure, connaissait des secrets de sorcières. Avant de mourir, elle versa quelques gouttes de poison implacable dans le chaton d’une bague. Cette bague, elle la portait au doigt. Ses doigts furtivement ouvrirent le cha-