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SUR TALONS ROUGES

— Mais… mais… objecta Don Perez, je n’ai pas du tout envie de mourir.

Doña Juana reprit alors ses manières de Señora avenante et courtoise.

— Que Dieu vous en préserve… Il est sage cependant de prendre les devants. On évite ainsi les regrets cuisants… on ne sait jamais… on est plus tranquille quand la conscience est nette.

Avec une demi-conviction, il ajouta :

— En effet… En effet…

Il y eut un silence.

Juana se dandinait mollement dans la pièce. Ses formes sveltes et nerveuses paraissaient et disparaissaient tour à tour au gré de sa démarche irrégulière, au gré des capricieux mouvements qu’elle exécutait de son éventail pailleté, déployé tel une roue de paon. Elle ouvrit les persiennes d’une porte-fenêtre. Des géraniums rouges venaient coquettement encadrer la balustrade forgée d’un balcon. Elle arracha quelques fleurs avec violence, les roula dans ses mains et les respira longuement. Leur parfum d’une âcreté agaçante lui plaisait. Tout son corps frissonna.

Don Perez était médusé. Ses yeux dévoraient les mouvements de Juana, guettaient le jeu de sa chair, et s’allumaient à plaisir à tout ce spectacle d’un trouble païen. Ses narines frémirent, sa lèvre inférieure se détacha de l’autre et se prit à pendre, tristement inassouvie ; son regard disait des choses que nul n’aurait avancé à haute voix.