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SUR TALONS ROUGES

Et, se tournant vers le seigneur, elle ajouta :

— Vous excusez, j’ai encore un mot à dire à la Señorita de Requiebros.

Et la duègne accourut toute frétillante.

— Ah ! Vous m’avez fait peur ! Vous désirez quelque chose, joie de mon cœur ?

— Oui, allez dans ma chambre, vous trouverez dans le premier tiroir de la commode une petite tête en ivoire… Vous savez ce que je veux dire… ces petits crânes blancs. J’en veux un, un seul. Vous le descendrez pour le joindre à ma collection.

La duègne s’inclina et partit froufroutante.

Le Marquis de Llerena prit alors la parole. C’était un petit vieux à l’air revêche, mais entreprenant. Deux yeux presque mornes clignotaient dans une figure ridée et grêlée. Un reste de vitalité décelait de luxuriants désirs.

— Doña Segrario, ma présence chez vous pourrait vous surprendre. J’ai connu votre père, mais ce n’est pas là ce que j’ai à vous dire… Je suis vieux…

À ces mots, la porte s’ouvrit. Une voix glapissante et fêlée s’écria :

— Oh que non, caballero ! Vous êtes encore fort comme un oranger en fleurs.

C’était Doña Rosario qui, subrepticement, posa sur le guéridon sacré et profane une petite tête de mort. Elle fit encore quelques vaporeuses révérences et s’enfuit discrètement.

Don Perez perdit le fil de ses idées. Il resta bouche bée.