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SUR TALONS ROUGES

aux yeux de toute la société honnête et crève les oreilles de la susdite société. Son bavardage qu’on traiterait volontiers de babillage, si Doña Rosario ne se débattait violemment contre l’automne terrassante, est assourdissant et intolérable. Elle minaude devant tous les seigneurs et toutes les glaces qui se trouvent sur son passage et ne sait marcher qu’en exécutant de petits pas précieux tirant à la fois du menuet et du fandango. Mais à part cela c’est une excellente femme, car elle ne manque à aucun de ses devoirs religieux. D’ailleurs, elle éleva dans cette noble direction sa chère pupille que le clergé vante aux yeux de tous si hautement.

Une journée de printemps d’étirante tiédeur.

Doña Juana derrière les persiennes soigneusement tirées savourait l’envahissante lourdeur de l’écrasant midi. Mollement abandonnée sur des arabesques de brocarts, elle gisait, drapée dans une longue mantille qui couvrait ses cheveux retenus par un gros peigne, pour étroitement, ensuite, s’enrouler le long du corps jusqu’à ses orteils roses parfumés au jasmin. C’était le seul vêtement qui se pouvait supporter. Parterre, traînaient deux pantoufles semi-mules, semi-babouches sur d’insolents talons rouges. Et Doña Juana, les yeux clos, alanguie, rêvait à des rêves félins. Doña Rosario flottait dans un négligé en alpaga puce boursouflé de volants rococos.