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LE SALUT DU MAL

Elle s’abandonna dans un mutisme exalté et crut que les cieux s’entr’ouvraient à sa foi ardente.

Prise de vertige, elle ferma les yeux et s’écroula sur les dalles.

— Je ne suis qu’une humble pécheresse.

Sa pensée se cristallisa sur ces paroles :

— …Humble pécheresse… humble pécheresse…

Graduellement elle se sentit transportée dans une élévation ascendante. Son front s’obscurcit, son regard devint dur et les coins de sa bouche se soulevèrent dans un rictus perfide.

— Oui, mais je suis une pécheresse volontaire pour te servir, ô mon Seigneur.

Elle s’inclina respectueusement devant le Christ et se signa.

Puis elle passa son chapelet autour du cou pour qu’il redevint collier, ouvrit un petit sac duquel elle retira un petit miroir et une boîte à fard. Elle recomposa avec calme sa figure dont la sérénité coutumière avait été altérée par l’exaltation de la prière. Elle passa du blanc d’Espagne sur sa poitrine pour dissimuler les traces de sang causées par la nervosité de ses ongles et couvrit sa gorge sous sa mantille, soi-disant par principe de chrétienne pudeur, ouvrit bruyamment son éventail en nacre, dandina ses hanches pour en vérifier l’ondoyante souplesse et sortit de l’oratoire, toute pimpante en s’éventant.