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SUR TALONS ROUGES

Vous me proposez des horreurs, et aussitôt après vous y renoncez. Votre caractère fuyant me déplaît. On ne sait jamais ce qui vous fait plaisir, si vous agissez par amour ou par politesse.

Lord Jamland sursauta.

— Est-ce donc poli de dire : « Je viendrai à minuit dans votre chambre ? »

Marjorie eut un mouvement d’impatience qu’elle assouvit en lançant son cheval au galop.

— Craignez-vous d’arriver en retard au rendez-vous ?

Elle ne répondit pas, et poursuivit sa pensée.

— Wentworth, vous oubliez, je crois, qu’on ne parle pas à une demoiselle comme on parle à une dame. Je vous défends, vous entendez, je vous défends de violer le seuil de ma chambre. Amour ne signifie jamais familiarité, et si l’amour nous unit tout à fait dans un avenir prochain, je ne vous autorise pas à songer un instant que l’homme a des droits sur la femme. Quittez ces principes continentaux qui sont toujours proscrits dans notre Royaume. Tenez, vous ferez mieux de m’offrir une prise au lieu de rêver au crépuscule comme un poète malsain.

Lord Jamland déboutonna son habit rouge et sortit de son gousset une petite tabatière en or ciselé qu’il ouvrit et présenta à Lady Marjorie. Une jolie poussière dorée de tabac blond parfumé brillait au fond de la boîte. Une main particulièrement longue et effilée, serrée dans un gant mousquetaire, prit d’un geste lent