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SUR TALONS ROUGES

meubles austères se dressent de toute leur arrogance gothique. Le long des murs planent sur des fonds sombres les grands portraits des ancêtres van Bau.

Une respiration difficile interrompt la monotonie du silence.

Walther est là. Ses yeux scrutent le vague. Il observe un point indéfini de l’espace et ne voit que douleur, et sa douleur l’anéantit. Ses mains nerveusement rampent le long des meubles. Elles rampent, s’accrochant à tout et l’entraînant derrière elles. Elles vont, elles vont, ces mains voraces. Walther exténué de souffrir, les suit passivement. Elles cherchent, elles veulent trouver quelque chose. Walther ne comprend pas. Que veulent-elles ? Sa volonté s’est brisée et il lui faut à présent obéir. Et ses mains tâtonnent comme des aveugles qu’une pensée obstinée pousse vers un but déterminé. Elle est affreuse et sans pitié, la volonté des aveugles, car elle ne veut réaliser aucune entrave. Les mains avancent avec ce toucher pesant et matériel presque répulsif. On dirait que les objets ont peur d’elles. Les mains dégagent une chaleur animale et l’instinct les pousse plus avant encore. Elles vont de meubles en meubles, vérifiant chaque bibelot pour l’abandonner ensuite et poursuivre leur chemin. Finalement, elles s’accrochent au clavecin. Walther tressaille. Le Chevalier versé dans les sciences occultes aurait-il peur ? Il voudrait leur faire lâcher prise. Il ne peut pas. Elles sont plus lourdes que le monde… Le clavecin s’ouvre et les mains se jettent