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« Si vous m’aviez dit : « Je romps, parce que c’est mon intérêt de rompre, » je n’aurais pas pris vos paroles au sérieux, ; mais, quand vous me disiez : « Je romps, parce que .c’est dans votre intérêt à vous de rompre,» et quand vous appuyez votre résolution de je ne sais quelles paroles échappées à moi, dans je ne sais quel moment, je me dis alors : Une idée exaltée, quoique fausse, égare son sentiment véritable, l’âme malade impose son joug au cœur et fait taire ses plus chères affections ; l’idée trompeuse mais sincère d’un immense sacrifice, d’une abnégation incomparable, d’une générosité héroïque me tue, on se dévoue pour me sauver ; mais ce dévouement me coûte la vie.

La vie est donc impossible pour moi où elle est séparée de votre amour, car votre amour, c’est ma vie ; chaque pulsation de mon cœur répond aux battements du vôtre, vous êtes l’écho de mes émotions, mais l’écho qui me renvoie l’existence ; si mes paroles et mes regards restaient sans réponse, je me tairais aussitôt et je ne regarderais plus ; je ne peux vous rendre que ce que je vous ai emprunté, je suis riche de vos inspirations, de vos joies, de vos regrets, je n’ai pas de bien à moi ni de sentiments à moi, ni rien qui constitue une existence à part ; la sympathie même est devenue un sentiment identique : la diviser, ce serait la détruire.

J’éprouve dans ce moment-ci tout le calme que donne la conviction d’un sentiment impérissable, quoiqu’un mouvement déraisonnable le trouble ; je m’impatiente de ce que vous n’avez pas encore répondu à cette lettre. En attendant, et toujours, je suis à vous au delà d’expression. »