Page:Allart - Les Enchantements de Prudence.djvu/77

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.


Il m’écrivit une longue lettre en anglais pour m’assurer de sa fermeté.

Ses lettres devinrent alors plus fréquentes, car il partit pour Surpré, mais il venait souvent à Paris. Il craignait les conseils qu’on pourrait me donner sur le danger de cette liaison ; il craignait ses propres amis, qui étaient les miens : « On ne vous parlera pas de votre intérêt, m’écrivait-il, on vous parlera du mien ; on en appellera à votre générosité, on s’armera de vos propres armes pour les tourner contre vous-même. Ce sont mes amis, mes propres amis, ceux que j’aime et estime le plus, qui seront mes ennemis les plus redoutable. Défiez-vous de leurs conseils perfides ! Souvenez-vous d’une chose, si vous voulez réellement mon bonheur, à jamais inséparable du vôtre, c’est qu’il faut m’en laisser l’arbitre suprême ; c’est le cas unique ; il n’y en a pas d’autre où il faille être juge dans sa propre cause. Il n’est pas question de ce qui doit être, mais de ce qui est, de ce qui n’est plus susceptible de changement. »

Il doutait de son ancienne vertu ; il disait : « Je sens que je ne suis pas à l’abri d’une faute, d’une grande faute, d’un crime, peut-être. A. peine autrefois croyais-je à la tentation ; céder me semblait impossible. Mais j’ai entrevu la route par laquelle on peut se perdre, et si je ne m’y suis pas précipité, c’est que j’aurais entraîné dans ma chute une autre que j’aimais mille fois plus que moi-même. Il fallait une influence égale à celle qui m’a séduit pour me sauver ; il fallait cette influence pour me séduire ; mais dans un sentiment comme celui que j’éprouve, il y a mille ressources, et je ne conçois pas comme je pourrais re-