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Après un séjour en province je revins l’hiver à Paris ; le monde me laissait dans la même tristesse. Laure m’y conduisait tous les dimanches chez madame Davilliers, où se réunissaient alors les députés de l’opposition et la société la plus aimable. Je m’amusais là un moment. Je réunissais autour de moi les hommes d’esprit, et une conversation animée donnait trêve un moment à mon vague tourment. Jérôme, à ces soirées, était un des plus empressés autour de moi. Il me disait qu’il fallait s’occuper de la politique et se faire des doctrines ; j’ai su depuis comme ce conseil était bon à donner à la France.

Lettre à Laure non envoyée :

« Vous dites que le génie fait pardonner, mais ne justifie pas certains torts. Mais si la sensibilité qui conduit à ces torts, est aussi la source du génie ? Se vaincre ! Que serait devenu le talent de madame de Staël, de Sapho, de tant d’autres, si elles avaient passé leur vie à combattre ? Ce qu’elles ont éprouvé ne valait-il pas mieux que le triomphe dans un tel combat ? Là où il y a le plus de vertu, c’est là où il y a le plus de sensibilité, et où mène cette sensibilité ?

» Je ne sais rien, je cherche, je voudrais me rendre compte de ma vive indulgence, fixer mes idées confuses. Mais existe-l-il une femme qui ait vu les éclairs d’un sentiment passionné et qui ait dit : j'étoufferai l'émotion que je pressens ?

» Dans nos sociétés prosaïques et positives, il faut renoncer aux rêves héroïques de la jeunesse. Le senti-