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de la plus haute civilisation, celle qui revient à la nature et à la simplicité. Sa passion pour son mari, pour ses enfants était violente, car c’était une passion ; on sentait en elle une origine de flamme, une origine créole. Son caractère était fier, indépendant, très-généreux. Quoique d’une santé délicate, elle était très-rieuse. Elle était très-grande, et sa tournure très-distinguée, avec une jolie main et un très-petit pied. En septembre, elle partit pour ses terres, en Berry, en me laissant un mois de liberté que j’allai passer à Surpré, où madame de Surpré, tante de Jérôme, m’avait fort invitée. Je vis Laure avant de partir ; mais tout est changé ! Laure aussi me trouve distraite ; je ne sais plus retrouver nos anciennes conversations. A Surpré, pareille tristesse ; mes impressions étaient sombres, affreuses. Jérôme, malgré son calme et son esprit, ne les changea pas d’abord. Cependant il m’emmenait dans de longues et lentes promenades dans le jardin, où il me disait mille belles choses sur l’histoire, sur les hommes qui l’écrivent, sur ce que ceux-ci devraient garder une pureté , une vertu qui pussent du moins se retrouver dans l’écrivain si elles n’étaient pas dans les événements qu’ils racontaient. J’avais écrit ces longues conversations ; elles me firent enfin un grand bien. Jérôme réveilla mon attention et mon courage. Je ne trouvais pas en lui l’esprit français, l’esprit léger et riant où j’étais habituée, mais quelque chose de nouveau, de grandiose , de grave, d’ironique pourtant, d’amer même ; mais le tout si haut, si fier, si à part, que, sans me l’expliquer, j’en étais complètement frappée et séduite.