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m’ennuyais un peu chez madame Bertrand, il s’en étonnait puisque je pouvais y étudier en liberté. Le mois de juin me fut très-douloureux ; il pleuvait ; la saison était mélancolique, pleine de vagues et tristes émotions. La maison de madame Bertrand était au milieu d’un jardin, où nous avions une verdure agréable , et quelque bruit de la pluie et de l’orage. C’était la petite maison du général Bonaparte (vie de la Victoire), à son retour d’Egypte. Les diverses impressions du ciel me troublaient. Une jeune amie irlandaise, que j’avais alors, était encore plus triste et plus agitée que moi. Madame Bertrand accoucha bientôt d’un quatrième fils. Cet événement m’intéressa ; jamais je n’avais vu ces détails de la naissance, et jamais il ne fut de mère plus gracieuse ni plus tendre. Je me calmai dans mon ennui seulement à la regarder prendre si doucement son enfant des bras de la bonne (car elle le nourrissait), et lui donner des soins qu’elle aimait tant de lui rendre. Mon goût pour les petits enfants lui plut ; il y avait un fond de sympathie entre nous. Comme mon chagrin n’avait pas de motif, je jouissais souvent délicieusement des émotions causées par ce qui m’entourait.

Madame la comtesse Bertrand (née Dillon) était pleine de grâce, et avait le langage le plus élégant. Je n’ai jamais vu de femme qui m’ait le plus donné l’idée de la distinction et de la grandeur dans les manières, et cela avec beaucoup de charme, de naturel, sans nulle prétention ni nul apprêt. Elle disait le mol élégant et le mot à propos, mais jamais le mot recherché. C’était la femme