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liens avec la comtesse du Vallon. L’empereur était depuis longtemps très-malade ; mais rien de nouveau n’avait inquiété sur sa santé. Un jour (le 7 juillet 1821), un matin, au Vallon, il était à peu près midi. On avait déjeuné dans une salle voûtée, un des anciens réfectoires de l’abbaye. Nous étions déjà revenus au salon, séparé de cette salle par une autre pièce. La comtesse seule était restée dans la salle à manger, où elle venait de recevoir ses journaux ; elle les avait ouverts sur la table du déjeuner, et bientôt nous entendîmes ses cris. Nous courons, nous la trouvons renversée sur une chaise, un journal à la main ; l’empereur était mort à Sainte-Hélène, le 5 mai ; le journal en donnait la nouvelle. Ce chagrin rattaché à l’empereur devait me lier à Laure plus que tout le reste. On la secourut, on dénoua sa ceinture, on lui fit respirer des sels, enfin on l’emporta dans sa chambre ; elle se mit au lit.

L’empereur était mort abîmé dans un lent et affreux supplice, en proie à une maladie cruelle, à des souffrances horribles, à des traitements grossiers et inhumains. Quelques Anglais, quelques lords, quelques membres du Parlement avaient élevé la voix en faveur du prisonnier et lui avaient même témoigné un respect direct en déposant à ses pieds quelques objets de distraction et d’agrément ; mais nul élan national n’avait cherché de vaincre une odieuse cruauté, et l’Angleterre partageait, avec son gouvernement, la honte d’avoir imposé une lente et affreuse agonie à un héros prisonnier. J’étais restée au salon où chacun déplorait un malheur prévu. Bientôt, Laure me fit appeler. Je me rendis dans sa chambre, nous restâmes