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il était encore en manuscrit. Elle l’écouta avec intérêt, me donna de bons avis et beaucoup d’encouragements. C’était un ouvrage de circonstance en faveur des protestants et de la liberté.

Près de Laure, je commençai de sentir ce grand goût pour la vie que j’ai toujours eu depuis. Je me félicitais d’exister. Ces idées, ces sentiments qui se découvraient à moi, me donnaient le bonheur. Jamais je n’avais eu tant d’idées. C’était comme une révélation. La force, qui m’avait subjuguée toujours, me subjuguait encore ; mais c’était une force de sentiment, une puissance de tendresse et de bonté. L’univers s’éclairait et s’agrandissait pour moi. Sans doute j’étais aimable et vive en lui peignant ces choses ; elle disait que la jeunesse est charmante ; elle repoussait mes éloges, mais elle acceptait l’amitié et les soins ; elle était vraie toujours ; je ne pouvais douter de sa sympathie, et ma joie était extrême. Moi si importunée toujours des leçons, moi qui voyais dans les conseils une atteinte à mon indépendance, moi qui rejetais tant d’autorités usurpées, je cherchais et j’adorais ses avis ; jamais fille n’eût été plus soumise à une telle mère ; mais, aussi, comme ses conseils étaient aimables, qu’ils étaient éclairés, qu’ils étaient nobles, qu’ils étaient doux ! Combien ce qu’elle disait, son langage, sa manière, sa voix, son regard, tout était fait pour convaincre et toucher !

Combien je me plaisais dans son parc et dans sa maison, dans un séjour champêtre qui était à elle ! Malgré les ornements et les arbres rares qui entouraient l’abbaye, le Vallon respirait partout un air agreste et sauvage. Le