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la bonté ; une indulgence pleine de sentiment s’éveilla en moi. Je me rappelle encore mes transports qui la faisaient rire en lui peignant tant de merveilles dévoilées tout à coup à ma pensée. Mon énergie lui plaisait. Ma timidité disparaissait. Je savais lui montrer mon ’enchantement pour elle. Non-seulement elle était bonne et exallée, mais elle avait un esprit supérieur, une raison droite, un goût élevé et sur et de beaux talents naturels. Elle savait la sculpture, et elle faisait des ouvrages excellents. Elle avait une voix admirable, et elle chantait avec tant d’àme et de passion les beaux airs dignes de sa voix, que j’en étais enivrée. Je trouvais en elle esprit, noblesse, conseil, agrément.

Je lui récitais quelquefois des vers, car ce rêve sur Sainte-Hélène, si long et si souvent privé d’espérance, avait été parfois traversé chez moi par la pensée de me faire actrice : je n’aimais que les grandeurs et les fictions. J’avais, dès mon jeune âge et par goût, appris tout l’emploi des reines, et je préférais la scène au pouvoir même. Et, en effet, être le soir l’Agrippine de Racine, avec ses beaux vers, l’appareil impérial, le souvenir antique et Tacite, valait mieux que d’être l’infâme Agrippine elle-même. Il valait mieux rendre les beaux remords de Sémiramis que les éprouver. On pouvait être actrice et demeurer noble et fière. Laure accueillait en souriant ces idées, ne les prenait pas au sérieux, et me disait que la position d’une actrice avait mille dangers que j’ignorais. Je venais d’écrire le récit de la Conjuration d'Amboise, sous le règne du jeune François II. Laure me demanda de la lui lire. Ce fut mon premier ouvrage imprimé ; mais