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L’ARROSEUR

l’entendement dans un état aussi voisin de la putréfaction. S’il n’y a que ça pour faire plaisir, je serai courtois comme un marquis.

— Je vous en prie, répliquai-je.

— Pas seulement les trottoirs enregistrent et accumulent le travail des passants. Aussi les chaussées. Chaque pavé de nos rues est monté sur ressort… Résultat : suppression de tressaut chez les voitures, travail gagné au profit de tout un chacun. Comprenez-vous, jeune et beau Celte ?

— Je comprends.

— Ah ! vous comprenez ? On est si subtil de l’autre côté de l’Atlantique !… Vous aimez les chevaux ?

— Ah ! les sales bêtes ! Elles ont du poil aux pattes !

— Ça tombe bien, parce que vous n’en verrez jamais la queue d’un à Hotcock-City !

— Il n’y a pas de chevaux à Hotcock-City ?

— Tous ceux précédemment en usage furent naguère rendus à leurs chères études. Automobilism ! Voilà de quel bois nous nous chauffons en matière de véhicule !… L’accumulateur est à l’œil à Hotcock-City ; on serait bien bon de se gêner !

— Gratuits, les accumulateurs ?

— Presque… On a 170 000 volts pour un sou.

— De bons volts ?

— Des volts épatants !… Alors, qu’arriva-t-il ! Il arriva que l’exclusive adoption des voitures électriques nous permit de doubler le nombre de nos rues.

— Je ne vois pas bien.

— Crétin !… Ah ! pardon… poète ! Vous ne voyez pas bien ?… C’est pourtant d’une simplicité biblique… Une voiture sans chevaux est de moitié moins longue qu’une voiture avec chevaux… Elle encombre de moitié moins la longueur des rues.