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Début de M. Foc dans la presse quotidienne


Je reçois d’un jeune homme qui signe « Foc » et qui — si mes pronostics sont exacts — doit être l’un des patrons de la célèbre maison Lou, Foc et Cie, une sorte de petit conte fort instructif et pas plus bête que les histoires à dormir debout qui relèvent de ma coutumière industrie.

Alors, moi malin, que fais-je ? Je publie le petit conte du jeune Foc et, pendant ce temps-là, je vais fumer une cigarette sur le balcon.

La parole est à vous, jeune homme :


un remède anodin


I

Hercule Cassoulade, voyez-vous, c’était un mâle.

Il avait deux mètres dix environ, du sommet du crâne à la plante des pieds, et ses tripes étaient les plus vastes du monde. Il disait en parlant du Pont-Neuf :

— Il est gentil, mais il a l’air bien délicat.

D’une gaieté charmante, avec cela, et si bon enfant que la vue seule d’un malade suffisait à le faire rire.

Or, un jour, chose incroyable, cet homme de bronze prit froid et se mit à tousser, cependant qu’on entendait doucement retentir dans ses larges narines poilues les motifs principaux des Murmures de La Forêt, de Wagner, arrangés pour coryza seul.

Comme une femme, comme un veau, comme un simple mortel, Cassoulade était enrhumé.


II

Il montra quelque impatience, cria :

— Ça commence à m’embêter ; je suis bon type, mais je n’aime pas qu’on se foute de moi !

Même, ayant publié ce manifeste, il gifla sans exception tous ceux qui avaient l’air de rigoler, se prit aux cheveux avec son chapeau et, rapide, s’en alla par les grouillantes rues.

Examinant les portes, farouche, le géant marchait… Enfin, vers le soir, il put lire au-dessous d’une sonnette ces mots gravés dans le plus rare porphyre :


Docteur médecin
de 3 h. à 6 h.


Après avoir lacéré des paillassons, enfoncé des portes, étranglé de vagues huissiers, il pénètre comme un obus dans le cabinet d’un prince de la science.