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nellement devant le tabernacle clignotaient, ainsi que des yeux tristes et fatigués.

Je m’étais assis près de l’autel de la Vierge.

Et je vis une chose inouïe.

Par la porte latérale du boulevard Saint-Germain, entra une petite vieille, sordide, ratatinée à faire peur, une pauvresse mauvaise à qui je donne des sous, par trac.

Ses guenilles étaient absolument saturées d’eau.

Toute grelottante, elle s’avança dans l’allée de la Vierge.

À une quinzaine de mètres de l’autel, elle s’arrêta net au beau milieu du passage et s’y tint debout.

Sur le fond, or sur bleu, luisait, autour de la Reine des Anges, l’inscription : Consolatrix afflictorum.

La mendiante esquissa un humble signe de croix et demeura ainsi, les mains passées dans son vieux caraco, toute recroquevillée.

Un peu étonné de découvrir des sentiments religieux chez cette mauvaise petite vieille, je ne me lassais pas de la contempler.

D’abord, elle avait eu l’air d’implorer.

Et puis, petit à petit, voilà que son attitude changeait.

Elle avait redressé, autant qu’elle pouvait, sa maigre taille. Ses bras étaient croisés haut sur sa poitrine, et elle semblait, la misérable, défier la Mère de Notre-Seigneur.

Je dois à la vérité de déclarer que l’épouse de saint Joseph paraissait assez peu se préoccuper de cette impertinence.

La pluie cessa ; l’église se vida.

Il ne restait plus, près de la Vierge, que deux ou trois dévotes, la pauvresse et moi.

Et j’eus l’explication.

Pauvre vieille ! Elle s’était installée sur la bouche d’un calorifère.

Elle ne blasphémait pas : elle séchait.