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La fausse blasphématrice


La pluie m’avait surpris au bas de la rue de Rennes, en face de la burlesque statue du regretté Diderot.

Une averse triste, grise, obstinée.

Si je vous disais que j’avais oublié mon parapluie, je mentirais : je n’ai pas de parapluie. (Ça va bien quand il fait beau, mais quand il tombe de la pluie, je suis trempé jusqu’aux os, comme dit la chanson.)

Alors quoi ? me réfugier sous une porte cochère ? Tel n’est point mon apanage.

Entrer dans un café et y attendre la fin de l’averse ? Je n’ai jamais mis les pieds dans un café et je ne commencerai pas à mon âge.

L’église Saint-Germain-des-Prés me tendait son porche. Je m’y ruai littéralement.

Du haut du ciel, sa demeure dernière, feu Germain des Prés devait être enchanté, car son saint lieu était plein, comme aux meilleurs temps de la foi chrétienne.

Des femmes surtout, et des jeunes filles, et des enfants. Et aussi des messieurs.

Certaines dames, d’esprit probablement très pratique, ne tenaient point à perdre leur temps. On les voyait utiliser leur séjour forcé dans l’église en signes de croix et prières, comme elles auraient pu faire du crochet, si la situation y eût prêté.

Et la pluie tombait toujours.

Un jour gris passait par les vitraux violets et mettait dans l’air je ne sais quelle vague angoisse planante.

Dehors, les tramways passaient, et leurs cornes jetaient de rauques clameurs, comme de mort.

Les petits lustres allumés sempiter-