— Parfaitement ! Moi, le plus sobre des hommes ! Couché au poste !… Pour cause de soûlographie !
— Mais, enfin…
— Oh ! ça n’est pas bien compliqué, va !… Lundi dernier, je rencontre rue Royale, vers six heures, Cap (Martin), le cousin du Captain. Il me fait entrer à l’Irish Bar, et commande un gin-soda. Moi, qui ai la profonde horreur de toutes ces saloperies anglo-saxonnes, je demande un simple vermout-cassis. Une heure après, j’étais couché, ivre-mort, au poste de l’Opéra.
— Ivre-mort ? Avec un vermout-cassis ?
— Parfaitement !… Y a qu’à moi que ça arrive, ces machines-là ! Voici ce qui s’est passé : Tu sais que chez Reynolds, on sert le gin dans de grandes carafes qu’on pose devant le client… Moi, prenant ça pour de l’eau, j’ai gorgé mon vermout de ce spiritueux.
— Tu ne t’es pas aperçu en buvant ?
— Si… Je me disais : « Voilà un vermouth-cassis qui a un drôle de goût !… ça doit être un vermout-cassis américain !… Tu vois ça d’ici !… En sortant, je me suis mis à sauter sur les bancs du boulevard, à embrasser les bonnes femmes dans les kiosques à journaux, et à raconter aux sergots que j’avais connu Henri Brisson à la tête d’une maison mal famée de Châtellerault ! Tu devines bien qu’à ce train je n’ai pas moisi à l’air libre !
— Mon pauvre vieux !
— Y a qu’à moi que ça arrive, ces machines-là !… Et la semaine dernière, donc !
— Quoi encore ?
— Je me commande un complet chez un petit tailleur qu’on m’avait recommandé… Un complet à carreaux épatant ! J’étrenne mon costume par une pluie torrentielle, sans parapluie, bien entendu (y a qu’à moi que ça arrive, ces machines-là !). Bon ! je vais me sécher à la Bibliothèque nationale, près d’un poêle. Voilà-t-il pas que mon complet, en séchant, se rétrécit, se rétrécit, au point que je semblais m’être vêtu avec le costume volé d’un petit garçon d’une douzaine d’années !
— Ça, ça peut arriver à tout le monde.
— Oui, mais ce qui ne peut arriver qu’à moi, c’est le raisonnement que m’a tenu le tailleur quand je suis allé