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arrivé ? On frémit rien que d’y penser. Mais, encore une fois, le soldat ne riait pas, ni même souriait. Alors, les chefs prirent le parti de rire, croyant à quelque bizarrerie, à quelque passager dérangement cérébral.

Si j’ai un peu appuyé sur ce trait excellent, c’est qu’il m’apparaît bien caractéristique de la manière de ce grand humoriste : c’est une clé de son œuvre.

On a dit qu’Alphonse Allais était supérieur à son œuvre. J’entends bien : ex-élève en pharmacie, (ai-je mentionné qu’il était le fils d’un pharmacien d’Honfleur ?), chimiste distingué, curieux des sciences naturelles, des inventions mécaniques et des systèmes philosophiques, d’une culture étendue, très fin lettré, il aurait pu écrire des livres moins…, des livres plus…, enfin des livres ! C’est que trop de gens en France n’admettent pas qu’un à-peu-près puisse valoir parfois une grande pensée, surtout ne comprennent pas l’ironie, la seule arme pourtant que nous ayons contre les mauvaises puissances et les faux dieux.

Alphonse Allais a écrit la Vie drôle, et c’est considérable.

Sa sœur, Mme Leroy-Allais, dans une biographie toute pleine d’admiration et de piété fraternelles, nous le montre à vingt ans, après des débuts très modestes au Tintamarre, hésitant entre la pharmacie et la littérature. Un père le pressait de manipuler, un démon le pressait d’écrire. Celui-ci l’emporta. Ses premiers contes parurent dans le journal Le Chat Noir, dont le directeur était le gentilhomme-