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— Viens par ici, me disait-il… Non, plutôt par là.

À la fin, nous arrivâmes à une manière de petite clairière, tout à fait à la lisière du bois.

— C’est là, je me rappelle, s’écria Ferrod. Ah ! les vaches ! Ah ! les salauds !

(N’ayant pas l’autorité de M. Zola, je ne défilerai pas le chapelet des indignations colorées de mon ami Ferrod. Qu’il suffise à mes lecteurs de savoir que les adjectifs, substantifs, verbes, etc. de la Terre sont une toute petite bière auprès du vocabulaire de Ferrod.)

J’étais ému. Je la sentais venir, la terrible histoire.

— C’est là, reprit-il, c’est là… J’avais dix-huit ans ; tu connais mon histoire, n’est-ce pas ? Tailleur de pierres en province, je me sentais valoir mieux que ça, et un soir, un beau soir de paye, je taillai, d’un coup de serpe, un beau bâton de cornouiller, et… en route pour Paris ! Ah ! Paris !

Il me semblait qu’arrivé à Paris, je n’aurais qu’à dire : Voilà ! et que ça y serait.

C’est loin Paris, mon pauvre vieux, c’est même plus loin que tu ne crois. Je dépensai mon dernier sou et je ne voyais pas Paris. Un jour de marche encore. Et je partis gaîment. Le soir, vers sept heures, j’arrivais… tiens… là, le