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LES BOURGEOIS


Le bon sculpteur Ferrod est l’homme le plus doux de la terre, causant peu par timidité et disant toujours des choses excellentes.

Je ne lui connais qu’une haine, mais une haine implacable, une haine sauvage : contre les bourgeois.

Au seul mot de bourgeois, sa physionomie fine et placide semble devenir la gueule d’un dogue, et un flot de gros mots sort de sa bouche.

Souvent, j’avais essayé de le raisonner :

— Voyons, mon vieux Ferrod, tu sais bien que c’est une vieille blague, les bourgeois. Il y a des bourgeois plus artistes que les artistes, et des artistes plus bourgeois que les bourgeois.

— Oui, je sais bien, mais ça ne les empêche pas d’être de rudes salauds.