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pour qui rien de ce qui est humain ne demeure étranger.

— Je suis cet un.

— Je l’avais deviné… Alors vous allez compatir. Voici la chose dépouillée de tout vain artifice : Je suis éperdument amoureux d’une jeune fille qui passe tous les soirs vers 6 heures et demie place du Châtelet. Une incoercible timidité m’en prohibe l’abord, et cependant je me suis juré de lui causer ce soir comme dit M. Francisque Sarcey dans son ignorance de la langue française.

— Si vous dites un mot de travers, comme dit Chincholle, sur M. Sarcey, je me retire.

— Restez… Alors, j’ai imaginé pour la conquête de la jeune personne en question, un truc vaudevillard et vieux comme le monde, mais qui pourrait d’autant mieux réussir.

— Parlez !

— Quand la jeune fille poindra à l’horizon du boulevard de Sébastopol, je vous la désignerai discrètement ; vous lui emboîterez le pas, vous lui conterez les mille coutumières et stupides fadaises… À un moment, vous serez insolent… La jeune vierge se rebiffera… C’est alors que j’interviendrai : « Monsieur, m’indignerai-je, je vous prie de laisser mademoiselle tranquille, etc. ! » Le reste ira tout seul.