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peintre-cabaretier Rodolphe Salis. Les lecteurs de cette feuille hebdomadaire et indépendante apprécièrent aussitôt la qualité de ces petits écrits. Cependant, la renommée de leur auteur descendit assez lentement, malgré la pente, de Montmartre sur les boulevards et ce n’est que quelques années plus tard, quand parut le journal Le Journal dont il fut un des premiers collaborateurs, que le grand public connut Alphonse Allais ; mais, dès qu’il le connut, il l’aima. Son nom devint bientôt populaire.

C’est qu’il n’y a pas seulement dans ces articles d’Alphonse Allais gaieté, blague et fumisterie, et une aptitude singulière à saisir des rapports inattendus entre les choses, et des applications inespérées des dernières découvertes de la science, il y a aussi de l’indulgence de la simplicité, de la générosité, de la pitié, de la bonté, et par là ils allaient au peuple. Joignez à cela qu’ils sont écrits dans un style pittoresque, souple, nuancé, ingénieux ; style d’un écrivain qui connaît admirablement sa langue, qui la connaît dans les grandes lignes et dans les coins. Dans plus d’un de ces articles, le fils du pharmacien d’Honfleur semblait doser et manipuler, si l’on peut dire, toutes les figures de l’intelligence.

Pendant quinze années et, plusieurs fois par semaine, Alphonse Allais a distribué de la joie à des milliers de lecteurs. Alors, dans les wagons qui des banlieues amènent à Paris ouvriers et ouvrières, petits et petites employés, dans le métro, dans les omnibus (il n’y avait pas encore d’autobus), dans la rue, on entendait cette phrase : — « Avez-vous lu