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loin de Juliette avec cet amour furieux au cœur, penser à toute heure du jour qu’elle serait dans les bras d’un autre, et, qui sait ? se moquerait peut-être de sa sauvage passion ! Mieux valait mourir, décidément. De cette façon, il liquiderait d’un seul coup ses fautes, ses regrets, ses passions, la terrible faillite de sa vie manquée. La mort est toujours une excuse. Valterre lui avait donné souvent de bons conseils. Aujourd’hui, il lui donnait un meilleur exemple. Il se tuerait. Peut-être alors le regretterait-elle ?… Jusqu’à la fin, la pensée de cette femme le poursuivait.

Dès que sa résolution fut bien prise, Fidé se sentit plus calme. Sa fièvre diminua, et fit place à une mélancolie où le sentiment d’une infortune complète, intense, lui apportait une sorte de satisfaction douloureuse. En un moment repassèrent devant son esprit, comme les personnages d’une féerie, la silhouette des gens qu’il avait connus et aimés. D’abord le vieux Taïko-Naga, avec sa sereine et majestueuse figure encadrée dans les jardins de Mionoska. Puis l’officier Durand, les camarades de la traversée, ceux du quartier Latin, la petite Cora, si gentille dans les premiers temps, Valterre, Solange de Maubourg, enfin Juliette. Toute amertume disparaissant devant la certitude qu’il avait de mettre fin à ses souffrances, Fidé considérait cette suite d’événements avec une sorte d’ennui, trouvant que l’existence