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folles, grommelait le chroniqueur. C’est toujours comme ça…

Le vicomte souriait.

— Vous êtes heureux, vous, d’avoir ce tempérament, reprit Sosthène. Moi, ça m’ennuie de perdre.

Ils montèrent dans la voiture de Valterre.

— Voulez-vous que nous fassions un tour avant de rentrer ? demanda celui-ci. Le temps est superbe et j’ai envie de prendre l’air.

— Volontiers, répondit Sosthène, assez étonné.

Par la lumière des becs de gaz et le bruit de la foule glissant sur les deux trottoirs, ils allaient réfléchissant, ennuyés, bercés par le mouvement de la voiture. Une même mélancolie les avait pris, mêlée d’un involontaire attendrissement. À la hauteur de la Madeleine, ils rencontrèrent Otto Wiener et Manieri, qui les saluèrent bruyamment en levant leur chapeau. Sosthène, presque aussitôt, parla, semblant donner la conclusion d’un raisonnement longtemps débattu dans son esprit :

— La vie est une fichue institution… Il y en a qui croient à la morale. Or, la morale, la voici : Otto Wiener et Manieri, qui sont des artistes honnêtes, crèvent de faim, ou bien sont obligés, pour vivre de faire des machines commerciales… Estourbiac qui est un coquin sans talent, roule sur l’or… Il arrivera… Il y aurait moyen de